Monday, July 24, 2023

Pourquoi les performances académiques des enfants sont-elles si différentes ?







Introduction

En 2020, deux jeunes garçons en Haïti, Alfredo Turene et Paul Jachère, ont obtenu des résultats scolaires très différents aux examens d'État. Alfredo, un jeune orphelin vivant dans un bidonville, dans le Nord-Est d’Haïti a été élu lauréat national, tandis que Paul Joseph, issu d'une famille aisée et fréquentant la meilleure école de la ville, a obtenu un résultat mitigé pour les mêmes examens. Cette disparité dans les résultats scolaires soulève la question essentielle : pourquoi ces performances académiques sont-elles si différentes ?

De toute évidence, l’éducation joue un rôle crucial dans le développement des individus, et les résultats scolaires des enfants sont un indicateur clé de leur réussite académique. Cependant, ces résultats varient considérablement d'un enfant à l'autre. Pour comprendre pourquoi les performances académiques diffèrent, il est essentiel d'examiner un ensemble complexe de facteurs qui interagissent pour façonner le parcours éducatif de chaque enfant. Comprendre ces raisons est essentiel pour développer des approches éducatives plus inclusives et adaptées aux besoins individuels des élèves.

Pour comprendre comment certains facteurs impactent la réussite scolaire des élèves, il vaut la peine de comprendre le concept de réussite scolaire tout en établissant s'il existe des différences entre les individus/groupes et ce qui fait les différences. La réussite scolaire, également appelée performance scolaire, est le résultat de l'éducation, la mesure dans laquelle un étudiant, un enseignant ou une institution a atteint ses objectifs éducatifs. Par conséquent, la réussite scolaire doit être considérée comme un concept à multiples facettes couvrant de multiples domaines d’apprentissage. Aussi, la réussite scolaire « fait référence à la maîtrise d'un contenu spécifique, y compris les connaissances et les compétences pour des matières telles que l'alphabétisation, la numératie et les sciences et implique des réalisations à force d'efforts » (Krapohl et al., 2014, p.15273). Dans les niveaux d’explications, un certain nombre de facteurs sont mis en cause pour expliquer ces différences individuelles. A ce titre, la littérature suggère des perspectives distinctes et contradictoires en présentant des causes génétiques, environnementales partagées, et environnementales non partagées.

1- Les facteurs génétiques dans la réussite scolaire

Dans la conception populaire, la réussite scolaire a toujours été associée à la génétique (les gènes). Prenons l’exemple, si votre père est médecin et intelligent, tout le monde espère que vous soyez automatiquement intelligent comme votre père. Bien que ce ne soit pas toujours le cas, les données de recherche révèlent une relation significative entre la réussite scolaire des enfants et le niveau d’éducation des parents. Des études récentes ont apporté des éclairages importants sur l'influence génétique dans le domaine de l'éducation et de la réussite scolaire. Selon de Zeeuw, de Geus et Boomsma (2015), le niveau d'instruction est héritable à hauteur de 66 %. Des recherches supplémentaires, menées par Okbay et al. (2016), ont montré que les variantes génétiques associées au niveau de scolarité étaient liées à des gènes exprimés de manière significative dans le tissu neural. Or, il est à noter que les différences génétiques entre les individus sont statistiquement associées à des différences dans leur développement cognitif et leur réussite scolaire (Plomin et Deary, 2014 ; Rietveld, 2013 ; Shakeshaft et al., 2013). Cette influence génétique omniprésente est largement acceptée pour les traits psychologiques, y compris la réussite scolaire tout au long des années d'études (Rimfeld, Ayorech, Dale, Kovas et Plomin, 2016).

Cependant, il est important de souligner que les mécanismes sous-tendant les phénotypes intergénérationnels ne sont pas entièrement compris. Cela signifie que l'on ne peut pas simplement attribuer un gène unique à chaque trait spécifique tels que les mathématiques, les compétences en lecture ou la pensée critique. Les traits sont souvent interdépendants et influencés par des facteurs multiples. Un seul gène peut être responsable des variations observées dans plusieurs traits dans le phénotype d'une personne (Knopik, Neiderheiser, DeFries et Plomin, 2017). En effet, la complexité des influences génétiques et leur contribution aux différences individuelles ont été discutées dans la première loi de la génétique du comportement, soutenant que les différences individuelles sont héréditaires et que les influences génétiques jouent un rôle substantiel dans les caractéristiques observables des individus ou des phénotypes (Turkheimer, 2000).

En somme, ces recherches mettent en évidence l'importance de l'influence génétique dans la réussite scolaire et d'autres traits psychologiques, tout en soulignant la complexité des mécanismes sous-jacents. Il est essentiel de continuer à approfondir nos connaissances pour mieux comprendre l'interaction entre les gènes et l'environnement, afin d'améliorer notre soutien éducatif et notre compréhension du développement humain. Ensuite, les avancées de la recherche en génétique comportementale, notamment les études sur les jumeaux, ont grandement contribué à évaluer l'influence des facteurs génétiques sur les aptitudes scolaires. Des études longitudinales menées sur des vrais jumeaux, qui partagent la totalité de leurs gènes, et des faux jumeaux, qui partagent seulement la moitié de leurs gènes, ont été particulièrement importantes pour cette compréhension (Turkheimer, 2000).

Ces études ont révélé que les vrais jumeaux ont tendance à obtenir des résultats scolaires similaires, tandis que les faux jumeaux présentent des différences plus marquées dans leurs performances scolaires. Cette observation indique que les gènes jouent un rôle significatif dans la réussite scolaire des individus. En effet, des études récentes menées aux États-Unis, en Australie, en Scandinavie et au Royaume-Uni ont montré que les gènes sont responsables d'une grande partie de la variance dans les capacités de lecture des enfants à la fin de leur première année d'enseignement formel de la lecture (Rimfeld, Ayorech, Dale, Kovas et Plomin, 2016).

Toutefois, il est essentiel de reconnaître que les performances scolaires ne sont pas entièrement déterminées par les facteurs génétiques. Les facteurs environnementaux jouent également un rôle crucial dans le développement académique des enfants. Des solutions éducatives bien conçues et mises en œuvre peuvent atténuer les effets négatifs des facteurs génétiques défavorables et aider à soutenir la réussite scolaire de tous les élèves (Turkheimer, 2000). En combinant une meilleure compréhension des influences génétiques et environnementales, il est possible de créer des environnements éducatifs favorables qui permettent à chaque enfant de réaliser son plein potentiel académique.

2- Les facteurs environnementaux dans la réussite scolaire

Bien que les facteurs génétiques jouent un rôle important, ils ne sont pas les seuls responsables des différences de résultats scolaires. Les facteurs environnementaux jouent également un rôle crucial. L'influence de l'environnement sur les gènes est corrélée avec les aptitudes scolaires et permet d'identifier plusieurs variables partagées et non partagées entre les jumeaux.

Le statut socio-économique (SSE) de la famille est l'un des facteurs environnementaux les plus étudiés en relation avec la réussite scolaire des enfants. Les élèves issus de familles défavorisées sur le plan socio-économique ont tendance à obtenir de moins bons résultats à l’école (DiPrete et Buchmann, 2013). Les élèves des écoles privées obtiennent des scores significativement plus élevés que les élèves des écoles publiques aux tests de lecture, de mathématiques et de sciences à l’âge de 15 ans et ils ont de plus hauts niveaux de scolarité à l’âge de 23 ans. Ensuite, il est plausible d'émettre l'hypothèse que l'association entre le milieu familial et les résultats scolaires des enfants est médiatisée par les caractéristiques des enfants qui sont toutes deux liées aux variables du milieu social et conduisent à des résultats scolaires plus élevés. Cette hypothèse a été étudiée en ce qui concerne l'intelligence des enfants (par exemple, Johnson, McGue et Iacono, 2007). Ainsi, la personnalité a été identifiée comme une autre caractéristique importante de l'élève associée à la réussite scolaire (cf. Poropat, 2009).

Donc, les différences de résultats scolaires entre les enfants, qui culminent notamment à la fin de la scolarité obligatoire, propulsent les enfants sur des voies différentes tout au long de leur vie, qui ont une incidence sur l'enseignement supérieur, l'activité professionnelle et même la santé et la mortalité. En effet, la forte héritabilité des résultats scolaires reflète de nombreux traits génétiquement influencés, et pas seulement l'intelligence. Bien que les capacités cognitives générales mesurées par des tests psychométriques (par exemple, g ou QI) soient le principal facteur prédictif de la réussite scolaire (Deary, Strand, Smith, & Fernandez, 2007 ; Gottfredson, 2004), elles expliquent rarement plus de 50 % de la variance des résultats scolaires (Chamorro-Premuzic & Furnham, 2005 ; Rhode & Thompson, 2007). En d’autres termes, des facteurs environnementaux, tels que le foyer familial, la situation socio-économique, les enseignants, les établissements scolaires, la motivation et l'anxiété vis-à-vis des études, jouent également un rôle dans la réussite scolaire.

L'importance du statut socio-économique dans la réussite scolaire des enfants est étroitement liée à la qualité de l'environnement éducatif auquel ils sont exposés. Les élèves issus de familles défavorisées peuvent avoir un accès limité aux ressources éducatives, aux activités parascolaires et à un soutien académique approprié, ce qui peut affecter négativement leurs performances scolaires (Sirin, 2005). En revanche, les élèves issus de milieux socio-économiques plus élevés peuvent bénéficier d'un environnement éducatif plus favorable, ce qui peut les aider à obtenir de meilleurs résultats à l'école (Sirin, 2005). De plus, les caractéristiques individuelles des enfants, telles que leur personnalité et leur motivation, jouent également un rôle important dans leur réussite scolaire. Par exemple, des études ont montré que les enfants qui sont plus extravertis, consciencieux et ouverts à de nouvelles expériences ont tendance à obtenir de meilleurs résultats scolaires (Poropat, 2009). De même, la motivation joue un rôle crucial dans la réussite scolaire. Les élèves qui sont motivés à apprendre et à réussir ont tendance à s'engager davantage dans leurs études et à obtenir de meilleurs résultats scolaires (Duckworth et al., 2007).

Il est donc clair que les facteurs environnementaux, tels que le statut socio-économique, le foyer familial, les enseignants et l'établissement scolaire, ainsi que les caractéristiques individuelles des enfants, peuvent avoir un impact significatif sur leurs performances scolaires. En somme, les résultats scolaires des enfants sont le résultat d'une interaction complexe entre des facteurs génétiques et environnementaux. Les facteurs environnementaux, tels que le statut socio-économique, le foyer familial, les enseignants et l'établissement scolaire, ainsi que les caractéristiques individuelles des enfants, jouent un rôle crucial dans leur réussite scolaire. Comprendre cette interaction complexe est essentiel pour développer des approches éducatives plus inclusives et adaptées aux besoins individuels des élèves, afin de favoriser leur épanouissement académique et émotionnel. En considérant à la fois les facteurs génétiques et environnementaux, nous pourrons mieux soutenir chaque enfant dans son développement et son apprentissage tout au long de son parcours éducatif.

3- Interaction Complexes des Facteurs Génétiques et Environnementaux (Interplay)

La réussite scolaire ne peut pas être réduite à un seul facteur, qu'il soit génétique ou environnemental. Au contraire, c'est l'interaction complexe de ces facteurs qui détermine les performances académiques des enfants. Donc, en intégrant des facteurs individuels tels que l'intelligence émotionnelle, nous pouvons obtenir une compréhension plus complète et précise des déterminants des performances scolaires et du bien-être des étudiants. Ainsi, des découvertes récentes dans le domaine du génome humain ont mis en évidence que plusieurs facteurs sont associés aux différences de réussite au-delà des intelligences, notamment la motivation et l'anxiété. Dans cette lignée, des études ont montré que l'anxiété mathématique et le niveau de motivation chez les élèves de huitième année du collège étaient élevés, et il existait une relation positive et modérée entre l'anxiété mathématique et la motivation envers les mathématiques. De plus, il a été constaté que l'anxiété prédisait le niveau de réussite à un niveau plus élevé, suivi de la motivation.

Les avancées dans la recherche génétique en psychologie ont également permis d'utiliser le score polygénique (GPS) à l'échelle du génome. Cela permet d'estimer les forces et les faiblesses génétiques d'individus non apparentés à partir de leur ADN. Ces avancées, selon des chercheurs tels que Plomin et Simpson (2013) et Wray et al. (2014), ont ouvert de nouvelles perspectives pour la compréhension des influences génétiques sur les différences individuelles dans divers traits et comportements psychologiques. Alors, il est important de noter que ces différences individuelles dans la réussite scolaire et dans d'autres domaines peuvent être attribuées à des effets propres à chaque individu, indépendamment des différences génétiques, et elles peuvent également dépasser l'influence de l'environnement familial commun. Cette idée a été soulevée par Turkheimer (2000) et suggère que même si les gènes jouent un rôle dans le développement des traits et des comportements, l'environnement et les expériences individuelles peuvent également jouer un rôle significatif dans les différences observées entre les individus.

En somme, ces nouvelles découvertes mettent en évidence la complexité des déterminants des différences individuelles dans la réussite et le comportement humain, en reconnaissant l'interaction entre les facteurs génétiques, environnementaux et personnels tels que la motivation et l’anxiété. Par exemple, un enfant peut avoir des prédispositions génétiques favorables pour la réussite scolaire, mais s'il est élevé dans un environnement défavorable avec peu de ressources éducatives, ses résultats pourraient être affectés. De même, un enfant avec des prédispositions génétiques moins favorables pourrait compenser ces faiblesses grâce à un environnement éducatif stimulant et soutenant. Une approche holistique prenant en compte ces différents aspects est essentielle pour mieux comprendre et soutenir le développement et l'apprentissage des individus. Cela permettra de mettre en place des stratégies éducatives adaptées à chaque élève, en tenant compte de leur profil génétique, de leur environnement familial et de leur intelligence émotionnelle, pour favoriser leur épanouissement et leur réussite scolaire.

Conclusion

En effet, il est clair que la réussite scolaire ne peut pas être réduite à un seul facteur. Nous devons reconnaître que l'interaction complexe des facteurs génétiques et environnementaux détermine les performances académiques des enfants. Les études ont montré que les facteurs environnementaux jouent un rôle significatif dans les différences individuelles des résultats scolaires, expliquant environ 45% de ces différences.

Il est important de comprendre que chaque enfant est unique et que les interactions au sein de la famille, entre frères et sœurs, et avec les enseignants peuvent varier en fonction des caractéristiques individuelles des élèves. Cette prise de conscience nous permet de dépasser les explications simplistes qui se limitent aux facteurs environnementaux et de prendre en compte des variables importantes telles que l'intelligence émotionnelle, la motivation et l'anxiété. Donc, en intégrant ces facteurs individuels et en reconnaissant l'influence des gènes et de l'environnement, nous pouvons développer des approches éducatives plus inclusives et personnalisées. Une compréhension approfondie de cette interaction complexe nous permettra de soutenir chaque élève de manière holistique, en tenant compte de leur profil génétique, de leur environnement familial et de leurs caractéristiques individuelles.

En conclusion, pour favoriser la réussite scolaire de tous les apprenants, il est essentiel de considérer à la fois les facteurs génétiques et environnementaux. En comprenant cette complexe interaction, nous pouvons créer des environnements éducatifs favorables qui permettront à chaque enfant de s'épanouir académiquement et émotionnellement, en exploitant pleinement leur potentiel unique. Une approche inclusive et adaptée aux besoins individuels contribuera à façonner un avenir éducatif plus prometteur et équitable pour tous.

 Philogene Bernadin, Psychologue

 

 

 

 

Références

1.     Babad, E. Y. (1993). Family interaction: A multigenerational developmental perspective. Developmental Review, 13(4), 390-422.

2.     Harris, K. M., & Morgan, S. P. (1991). Fathers, sons, and daughters: Differential paternal involvement in parenting. Journal of Marriage and Family, 53(3), 531-544.

3.     Spengler, M., Gottschling, J., & Spinath, F. M. (2012). Personality and family processes in adolescence: A longitudinal study on the development of personality, parenting, and family climate. Journal of Personality, 80(3), 815-838.

4.     Olson, D. R., Dweck, C. S., Spelke, E. S., & Banaji, M. R. (2009). Building academic success on social and emotional learning: What does the research say? New York: Teachers College Press.

5.     Plomin, R., & Simpson, M. A. (2013). The future of genomics for developmentalism. Development and Psychopathology, 25(4pt2), 1263-1278.

6.     Wray, N. R., Yang, J., Hayes, B. J., Price, A. L., Goddard, M. E., & Visscher, P. M. (2013). Pitfalls of predicting complex traits from SNPs. Nature Reviews Genetics, 14(7), 507-515.

7.     Turkheimer, E. (2000). Three laws of behavior genetics and what they mean. Current Directions in Psychological Science, 9(5), 160-164.

 

 

 

 

 

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