Introduction
En
2020, deux jeunes garçons en Haïti, Alfredo Turene et Paul Jachère, ont obtenu
des résultats scolaires très différents aux examens d'État. Alfredo, un jeune
orphelin vivant dans un bidonville, dans le Nord-Est d’Haïti a été élu lauréat
national, tandis que Paul Joseph, issu d'une famille aisée et fréquentant la
meilleure école de la ville, a obtenu un résultat mitigé pour les mêmes
examens. Cette disparité dans les résultats scolaires soulève la question
essentielle : pourquoi ces performances académiques sont-elles si différentes ?
De
toute évidence, l’éducation joue un rôle crucial dans le développement des
individus, et les résultats scolaires des enfants sont un indicateur clé de
leur réussite académique. Cependant, ces résultats varient considérablement
d'un enfant à l'autre. Pour comprendre pourquoi les performances académiques
diffèrent, il est essentiel d'examiner un ensemble complexe de facteurs qui
interagissent pour façonner le parcours éducatif de chaque enfant. Comprendre
ces raisons est essentiel pour développer des approches éducatives plus
inclusives et adaptées aux besoins individuels des élèves.
Pour
comprendre comment certains facteurs impactent la réussite scolaire des élèves,
il vaut la peine de comprendre le concept de réussite scolaire tout en
établissant s'il existe des différences entre les individus/groupes et ce qui
fait les différences. La réussite scolaire, également appelée performance
scolaire, est le résultat de l'éducation, la mesure dans laquelle un étudiant,
un enseignant ou une institution a atteint ses objectifs éducatifs. Par
conséquent, la réussite scolaire doit être considérée comme un concept à
multiples facettes couvrant de multiples domaines d’apprentissage. Aussi, la
réussite scolaire « fait référence à la maîtrise d'un contenu spécifique, y
compris les connaissances et les compétences pour des matières telles que
l'alphabétisation, la numératie et les sciences et implique des réalisations à
force d'efforts » (Krapohl et al., 2014, p.15273). Dans les niveaux d’explications,
un certain nombre de facteurs sont mis en cause pour expliquer ces différences
individuelles. A ce titre, la littérature suggère des perspectives distinctes
et contradictoires en présentant des causes génétiques, environnementales
partagées, et environnementales non partagées.
1-
Les facteurs génétiques dans la réussite scolaire
Dans
la conception populaire, la réussite scolaire a toujours été associée à la
génétique (les gènes). Prenons l’exemple, si votre père est médecin et
intelligent, tout le monde espère que vous soyez automatiquement intelligent
comme votre père. Bien que ce ne soit pas toujours le cas, les données de
recherche révèlent une relation significative entre la réussite scolaire des
enfants et le niveau d’éducation des parents. Des études récentes ont apporté
des éclairages importants sur l'influence génétique dans le domaine de
l'éducation et de la réussite scolaire. Selon de Zeeuw, de Geus et Boomsma
(2015), le niveau d'instruction est héritable à hauteur de 66 %. Des recherches
supplémentaires, menées par Okbay et al. (2016), ont montré que les variantes
génétiques associées au niveau de scolarité étaient liées à des gènes exprimés
de manière significative dans le tissu neural. Or, il est à noter que les
différences génétiques entre les individus sont statistiquement associées à des
différences dans leur développement cognitif et leur réussite scolaire (Plomin
et Deary, 2014 ; Rietveld, 2013 ; Shakeshaft et al., 2013). Cette influence
génétique omniprésente est largement acceptée pour les traits psychologiques, y
compris la réussite scolaire tout au long des années d'études (Rimfeld,
Ayorech, Dale, Kovas et Plomin, 2016).
Cependant,
il est important de souligner que les mécanismes sous-tendant les phénotypes
intergénérationnels ne sont pas entièrement compris. Cela signifie que l'on ne
peut pas simplement attribuer un gène unique à chaque trait spécifique tels que
les mathématiques, les compétences en lecture ou la pensée critique. Les traits
sont souvent interdépendants et influencés par des facteurs multiples. Un seul
gène peut être responsable des variations observées dans plusieurs traits dans
le phénotype d'une personne (Knopik, Neiderheiser, DeFries et Plomin, 2017). En
effet, la complexité des influences génétiques et leur contribution aux
différences individuelles ont été discutées dans la première loi de la
génétique du comportement, soutenant que les différences individuelles sont
héréditaires et que les influences génétiques jouent un rôle substantiel dans
les caractéristiques observables des individus ou des phénotypes (Turkheimer,
2000).
En
somme, ces recherches mettent en évidence l'importance de l'influence génétique
dans la réussite scolaire et d'autres traits psychologiques, tout en soulignant
la complexité des mécanismes sous-jacents. Il est essentiel de continuer à
approfondir nos connaissances pour mieux comprendre l'interaction entre les
gènes et l'environnement, afin d'améliorer notre soutien éducatif et notre
compréhension du développement humain. Ensuite, les avancées de la recherche en
génétique comportementale, notamment les études sur les jumeaux, ont grandement
contribué à évaluer l'influence des facteurs génétiques sur les aptitudes
scolaires. Des études longitudinales menées sur des vrais jumeaux, qui
partagent la totalité de leurs gènes, et des faux jumeaux, qui partagent
seulement la moitié de leurs gènes, ont été particulièrement importantes pour
cette compréhension (Turkheimer, 2000).
Ces
études ont révélé que les vrais jumeaux ont tendance à obtenir des résultats scolaires
similaires, tandis que les faux jumeaux présentent des différences plus
marquées dans leurs performances scolaires. Cette observation indique que les
gènes jouent un rôle significatif dans la réussite scolaire des individus. En
effet, des études récentes menées aux États-Unis, en Australie, en Scandinavie
et au Royaume-Uni ont montré que les gènes sont responsables d'une grande
partie de la variance dans les capacités de lecture des enfants à la fin de
leur première année d'enseignement formel de la lecture (Rimfeld, Ayorech,
Dale, Kovas et Plomin, 2016).
Toutefois,
il est essentiel de reconnaître que les performances scolaires ne sont pas
entièrement déterminées par les facteurs génétiques. Les facteurs
environnementaux jouent également un rôle crucial dans le développement
académique des enfants. Des solutions éducatives bien conçues et mises en œuvre
peuvent atténuer les effets négatifs des facteurs génétiques défavorables et
aider à soutenir la réussite scolaire de tous les élèves (Turkheimer, 2000). En
combinant une meilleure compréhension des influences génétiques et
environnementales, il est possible de créer des environnements éducatifs
favorables qui permettent à chaque enfant de réaliser son plein potentiel
académique.
2-
Les facteurs environnementaux dans la réussite scolaire
Bien
que les facteurs génétiques jouent un rôle important, ils ne sont pas les seuls
responsables des différences de résultats scolaires. Les facteurs
environnementaux jouent également un rôle crucial. L'influence de l'environnement
sur les gènes est corrélée avec les aptitudes scolaires et permet d'identifier
plusieurs variables partagées et non partagées entre les jumeaux.
Le
statut socio-économique (SSE) de la famille est l'un des facteurs
environnementaux les plus étudiés en relation avec la réussite scolaire des
enfants. Les élèves issus de familles défavorisées sur le plan socio-économique
ont tendance à obtenir de moins bons résultats à l’école (DiPrete et Buchmann,
2013). Les élèves des écoles privées obtiennent des scores significativement
plus élevés que les élèves des écoles publiques aux tests de lecture, de
mathématiques et de sciences à l’âge de 15 ans et ils ont de plus hauts niveaux
de scolarité à l’âge de 23 ans. Ensuite, il est plausible d'émettre l'hypothèse
que l'association entre le milieu familial et les résultats scolaires des
enfants est médiatisée par les caractéristiques des enfants qui sont toutes
deux liées aux variables du milieu social et conduisent à des résultats
scolaires plus élevés. Cette hypothèse a été étudiée en ce qui concerne
l'intelligence des enfants (par exemple, Johnson, McGue et Iacono, 2007).
Ainsi, la personnalité a été identifiée comme une autre caractéristique
importante de l'élève associée à la réussite scolaire (cf. Poropat, 2009).
Donc,
les différences de résultats scolaires entre les enfants, qui culminent
notamment à la fin de la scolarité obligatoire, propulsent les enfants sur des
voies différentes tout au long de leur vie, qui ont une incidence sur
l'enseignement supérieur, l'activité professionnelle et même la santé et la
mortalité. En effet, la forte héritabilité des résultats scolaires reflète de
nombreux traits génétiquement influencés, et pas seulement l'intelligence. Bien
que les capacités cognitives générales mesurées par des tests psychométriques
(par exemple, g ou QI) soient le principal facteur prédictif de la réussite
scolaire (Deary, Strand, Smith, & Fernandez, 2007 ; Gottfredson, 2004),
elles expliquent rarement plus de 50 % de la variance des résultats scolaires
(Chamorro-Premuzic & Furnham, 2005 ; Rhode & Thompson, 2007). En
d’autres termes, des facteurs environnementaux, tels que le foyer familial, la
situation socio-économique, les enseignants, les établissements scolaires, la
motivation et l'anxiété vis-à-vis des études, jouent également un rôle dans la
réussite scolaire.
L'importance
du statut socio-économique dans la réussite scolaire des enfants est
étroitement liée à la qualité de l'environnement éducatif auquel ils sont
exposés. Les élèves issus de familles défavorisées peuvent avoir un accès
limité aux ressources éducatives, aux activités parascolaires et à un soutien
académique approprié, ce qui peut affecter négativement leurs performances
scolaires (Sirin, 2005). En revanche, les élèves issus de milieux
socio-économiques plus élevés peuvent bénéficier d'un environnement éducatif
plus favorable, ce qui peut les aider à obtenir de meilleurs résultats à
l'école (Sirin, 2005). De plus, les caractéristiques individuelles des enfants,
telles que leur personnalité et leur motivation, jouent également un rôle
important dans leur réussite scolaire. Par exemple, des études ont montré que
les enfants qui sont plus extravertis, consciencieux et ouverts à de nouvelles
expériences ont tendance à obtenir de meilleurs résultats scolaires (Poropat,
2009). De même, la motivation joue un rôle crucial dans la réussite scolaire.
Les élèves qui sont motivés à apprendre et à réussir ont tendance à s'engager
davantage dans leurs études et à obtenir de meilleurs résultats scolaires
(Duckworth et al., 2007).
Il
est donc clair que les facteurs environnementaux, tels que le statut
socio-économique, le foyer familial, les enseignants et l'établissement scolaire,
ainsi que les caractéristiques individuelles des enfants, peuvent avoir un
impact significatif sur leurs performances scolaires. En somme, les résultats
scolaires des enfants sont le résultat d'une interaction complexe entre des
facteurs génétiques et environnementaux. Les facteurs environnementaux, tels
que le statut socio-économique, le foyer familial, les enseignants et
l'établissement scolaire, ainsi que les caractéristiques individuelles des
enfants, jouent un rôle crucial dans leur réussite scolaire. Comprendre cette
interaction complexe est essentiel pour développer des approches éducatives
plus inclusives et adaptées aux besoins individuels des élèves, afin de
favoriser leur épanouissement académique et émotionnel. En considérant à la
fois les facteurs génétiques et environnementaux, nous pourrons mieux soutenir
chaque enfant dans son développement et son apprentissage tout au long de son
parcours éducatif.
3-
Interaction Complexes des Facteurs Génétiques et Environnementaux (Interplay)
La
réussite scolaire ne peut pas être réduite à un seul facteur, qu'il soit
génétique ou environnemental. Au contraire, c'est l'interaction complexe de ces
facteurs qui détermine les performances académiques des enfants. Donc, en
intégrant des facteurs individuels tels que l'intelligence émotionnelle, nous
pouvons obtenir une compréhension plus complète et précise des déterminants des
performances scolaires et du bien-être des étudiants. Ainsi, des découvertes
récentes dans le domaine du génome humain ont mis en évidence que plusieurs
facteurs sont associés aux différences de réussite au-delà des intelligences,
notamment la motivation et l'anxiété. Dans cette lignée, des études ont montré
que l'anxiété mathématique et le niveau de motivation chez les élèves de
huitième année du collège étaient élevés, et il existait une relation positive
et modérée entre l'anxiété mathématique et la motivation envers les
mathématiques. De plus, il a été constaté que l'anxiété prédisait le niveau de
réussite à un niveau plus élevé, suivi de la motivation.
Les
avancées dans la recherche génétique en psychologie ont également permis
d'utiliser le score polygénique (GPS) à l'échelle du génome. Cela permet
d'estimer les forces et les faiblesses génétiques d'individus non apparentés à
partir de leur ADN. Ces avancées, selon des chercheurs tels que Plomin et
Simpson (2013) et Wray et al. (2014), ont ouvert de nouvelles perspectives pour
la compréhension des influences génétiques sur les différences individuelles
dans divers traits et comportements psychologiques. Alors, il est important de
noter que ces différences individuelles dans la réussite scolaire et dans
d'autres domaines peuvent être attribuées à des effets propres à chaque
individu, indépendamment des différences génétiques, et elles peuvent également
dépasser l'influence de l'environnement familial commun. Cette idée a été
soulevée par Turkheimer (2000) et suggère que même si les gènes jouent un rôle
dans le développement des traits et des comportements, l'environnement et les
expériences individuelles peuvent également jouer un rôle significatif dans les
différences observées entre les individus.
En
somme, ces nouvelles découvertes mettent en évidence la complexité des
déterminants des différences individuelles dans la réussite et le comportement
humain, en reconnaissant l'interaction entre les facteurs génétiques,
environnementaux et personnels tels que la motivation et l’anxiété. Par
exemple, un enfant peut avoir des prédispositions génétiques favorables pour la
réussite scolaire, mais s'il est élevé dans un environnement défavorable avec
peu de ressources éducatives, ses résultats pourraient être affectés. De même,
un enfant avec des prédispositions génétiques moins favorables pourrait
compenser ces faiblesses grâce à un environnement éducatif stimulant et
soutenant. Une approche holistique prenant en compte ces différents aspects est
essentielle pour mieux comprendre et soutenir le développement et
l'apprentissage des individus. Cela permettra de mettre en place des stratégies
éducatives adaptées à chaque élève, en tenant compte de leur profil génétique,
de leur environnement familial et de leur intelligence émotionnelle, pour
favoriser leur épanouissement et leur réussite scolaire.
Conclusion
En
effet, il est clair que la réussite scolaire ne peut pas être réduite à un seul
facteur. Nous devons reconnaître que l'interaction complexe des facteurs
génétiques et environnementaux détermine les performances académiques des
enfants. Les études ont montré que les facteurs environnementaux jouent un rôle
significatif dans les différences individuelles des résultats scolaires,
expliquant environ 45% de ces différences.
Il
est important de comprendre que chaque enfant est unique et que les
interactions au sein de la famille, entre frères et sœurs, et avec les enseignants
peuvent varier en fonction des caractéristiques individuelles des élèves. Cette
prise de conscience nous permet de dépasser les explications simplistes qui se
limitent aux facteurs environnementaux et de prendre en compte des variables
importantes telles que l'intelligence émotionnelle, la motivation et l'anxiété.
Donc, en intégrant ces facteurs individuels et en reconnaissant l'influence des
gènes et de l'environnement, nous pouvons développer des approches éducatives
plus inclusives et personnalisées. Une compréhension approfondie de cette
interaction complexe nous permettra de soutenir chaque élève de manière
holistique, en tenant compte de leur profil génétique, de leur environnement
familial et de leurs caractéristiques individuelles.
En
conclusion, pour favoriser la réussite scolaire de tous les apprenants, il est
essentiel de considérer à la fois les facteurs génétiques et environnementaux.
En comprenant cette complexe interaction, nous pouvons créer des environnements
éducatifs favorables qui permettront à chaque enfant de s'épanouir
académiquement et émotionnellement, en exploitant pleinement leur potentiel
unique. Une approche inclusive et adaptée aux besoins individuels contribuera à
façonner un avenir éducatif plus prometteur et équitable pour tous.
Philogene
Bernadin, Psychologue
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